Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/183

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cheveux un adolescent tendant les bras vers le ciel. Elle a pour guide un homme pâle, difforme, au visage farouche, qu’on pourrait comparer avec justesse à ceux qu’une longue fatigue accable dans un combat. Il semble que ce soit la lividité même. Deux autres femmes sont encore là, compagnes de la Calomnie, occupées à parer leur maîtresse : ce sont la Perfidie et la Fraude. Derrière elles est le Repentir, couvert de vêtements sordides et suivi par la Vérité modeste et pure. Si un tel sujet, rien que par le récit qu’on en fait, tient l’esprit en éveil, combien pensez-vous qu’il doive avoir de grâce et de charme, rendu en peinture par un homme habile ?

Que dire de ces trois jeunes sœurs qu’Hésiode nomme Aglaé, Euphrosine et Thalie, peintes les bras entrelacés, souriantes, avec leur vêtement transparent et dénoué ? C’est par elles qu’on a voulu représenter la Libéralité, attendu que l’une des sœurs donne le bienfait, que la seconde le reçoit et que la troisième le rend.

En effet, toute libéralité parfaite doit posséder ces trois degrés. Voyez ainsi la gloire que de telles inventions apportent à l’artiste ! Aussi ne saurais-je trop conseiller au peintre studieux de se rendre familier avec les poètes, les rhéteurs et autres savants ès-lettres, et de captiver leur bienveillance ; car il recevra de ces esprits érudits des notions excellentes qui lui seront d’un grand secours pour ces inventions qui font tant d’honneur à la peinture. Phidias, artiste parfait, avait appris dans Homère avec quelle majesté il devait de préférence représenter Jupiter.