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DE LA PEINTURE

de grandes figures pourra sans peine et d’un trait en réussir de petites. Mais celui qui aura accoutumé son esprit et sa main à ces choses petites et mièvres se trompera très-facilement dans les grandes.

Il y en a qui s’efforcent d’imiter les œuvres des autres peintres et qui cherchent à s’en faire honneur. C’est ce qu’on rapporte du sculpteur Gamalidès, qui cisela deux vases sur lesquels il imita si bien l’œuvre de Zénodore, qu’on n’en savait faire la différence. Mais les peintres tomberaient dans une grande erreur s’ils ne comprenaient pas que ceux qui ont peint une figure ont fait de grands efforts pour la représenter d’après nature, telle que nous la voyons au travers d’un voile. Que s’il vous plaisait, toutefois, d’imiter les œuvres d’autrui, de façon à faire montre ainsi d’une patience plus grande que par un travail entrepris d’après nature, je préférerais alors vous voir copier une sculpture médiocre plutôt qu’une belle peinture. Car d’après des choses peintes, nous habituons notre main à rendre un simulacre, tandis que d’après des sculptures, nous apprenons à exprimer la ressemblance et le véritable effet des lumières.

Pour bien percevoir ces dites lumières, il est utile de comprimer avec les cils la pénétration de là vue, afin qu’elles semblent obscurcies et apparaissent comme peintes par l’effet d’une intersection de la pyramide visuelle. On réussira beaucoup mieux en modelant qu’en peignant, car la sculpture est plus certaine et plus facile que la peinture. Je ne sache pas que quelqu’un puisse