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LE TESTAMENT D’AMY.

Dieu de conserver Beth. Elle essaya de s’oublier, de rester gaie et d’être satisfaite de bien faire, quoique personne ne la vît et ne lui donnât de louanges.

Dans son premier effort d’être très très bonne, elle eut l’idée de faire son testament, comme tante Marsch, afin que si elle mourait, ses biens fussent justement et généreusement distribués. Elle y avait quelque mérite, car la pensée seule d’abandonner ses petits trésors, plus précieux à ses yeux que tous les bijoux de la vieille dame, lui fut très pénible.

Pendant une de ses récréations, elle écrivit le document important de sa plus belle écriture, avec l’aide d’Esther pour quelques termes légaux, et, lorsque la bonne Française eut signé, Amy, un peu soulagée, le mit de côté afin de le montrer à Laurie, qu’elle voulait comme second témoin.

Il pleuvait, et Amy alla tâcher de se distraire dans une des grandes chambres d’en haut, où se trouvait une garde-robe pleine de vieux costumes avec lesquels Esther lui permettait de jouer. Un de ses amusements était de mettre ces vieilles robes de brocart et de se promener devant les grandes glaces en se faisant de profonds saluts et en laissant traîner les longues queues, qui faisaient derrière elle un frou-frou délicieux. Il arriva que, ce jour-là, elle était si occupée qu’elle n’entendit pas sonner Laurie, et ne s’aperçut pas qu’il avait passé sa tête par la porte entr’ouverte et la regardait se promener gravement de long en large dans le costume étrange dont elle s’était affublée. Elle s’était coiffée d’un grand turban rose, qui contrastait d’une manière risible avec une robe de satin bleu et un long jupon de brocart jaune. D’une main elle agitait un vieil éventail très précieux, et, de l’autre, relevait sa traîne. obligée de faire grande attention en marchant, car elle