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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

Laurie vint dans l’après-midi. Il avait aperçu Meg à sa fenêtre ; on eût dit d’un coupable pris d’un accès de contrition subite. Il avait posé un genou sur la neige, s’était donné des coups dans la poitrine et avait fait semblant de s’arracher les cheveux ; et, lorsque Meg, mécontente, lui eut enjoint de s’en aller, il avait levé les mains d’un air suppliant, répandu des larmes imaginaires dans son mouchoir de poche et s’était éloigné à grands pas comme un homme plongé dans le plus profond désespoir.

« Que veut dire ce grand nigaud avec sa ridicule pantomime ? dit Meg en riant et tâchant de n’avoir pas l’air d’avoir compris ce manège.

— Vous ne le savez que trop, lui répondit Jo en lui jetant un regard de reproche. Laurie manque quelquefois de goût, mais il vise juste.

— Ne me taquinez pas, Jo, je vous en prie, répondit Meg à sa sœur. Qu’on ne me dise rien et nous serons tous amis comme auparavant.

— Nous ne pourrons pas. La mauvaise plaisanterie de Laurie a tout changé. Je le vois bien, vous n’êtes plus comme autrefois, et vous semblez loin de moi. Je n’ai pas l’intention de vous taquiner et je supporterai cet événement comme un homme, mais je voudrais que tout soit fixé. Je déteste attendre ; ainsi, si vous avez l’intention de le faire, dépêchez-vous et que ce soit vite fini. Quand j’aurai tout souffert, je ne souffrirai plus.

— Je ne peux pourtant rien dire ni rien faire avant qu’on ait parlé, et on ne parlera pas, Jo, soyez-en sûre, parce que papa a dit que j’étais trop jeune.

— Si monsieur On parlait, vous ne sauriez plus que répondre ; vous balbutieriez, vous rougiriez ou vous pleureriez, et vous lui laisseriez dire tout ce qu’il vou-