Page:Alembert - Trois mois à la cour de Fréderic : lettres inédites.djvu/86

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ma lettre. À propos, j’ai toujours oublié de vous dire que j’avais dit au Roi les regrets de Mme de Luxembourg ; il m’a prié de lui faire mille remerciements et compliments, m’a dit qu’il la connaissait, qu’il en avait entendu parler comme d’une personne de beaucoup d’esprit et très aimable ; j’ai ajouté à ce que le Roi disait beaucoup de choses qui n’ont point gâté ce que le Roi pense d’elle. »

Frédéric, loin de prendre en mauvaise part la demande de son hôte, l’accueillit avec bienveillance. Bien qu’il regrettât assurément de n’avoir pu surmonter ses résistances et qu’il le vît partir avec un profond regret, il se rendit à ses raisons :

« Je suis fâché, lui écrivit-il, de voir approcher le moment de votre départ et je n’oublierai point le plaisir que j’ai eu de voir un vrai philosophe. J’ai été plus heureux que Diogène, car j’ai trouvé l’homme qu’il a cherché si longtemps, mais il part, il s’en va. Cependant je conserverai la place de président de l’Académie, qui ne peut être remplie que par lui. Un certain pressentiment m’avertit que cela arrivera, mais qu’il faut attendre jusqu’à ce que son heure soit venue. Je suis tenté quelquefois de faire des vœux pour que la persécution des élus redouble en certains pays ; je sais que ce vœu est en quelque sorte criminel,