Page:Alembert - Trois mois à la cour de Fréderic : lettres inédites.djvu/94

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que la force de dire au Roi à quel point j’étais pénétré, je me baissai selon l’usage pour baiser le bas de son habit, il me releva, me serra entre ses bras, et m’embrassa ; ensuite il me parla de mon voyage d’Italie, et m’offrit de nouveau tout l’argent dont j’aurais besoin pour le faire ; je lui dis que je profiterais de ses bontés, si je me trouvais dans le cas d’en avoir besoin, et puis il me parla de la France avec laquelle je puis vous assurer qu’il serait charmé d’être bien, et puis de ses propres affaires, qu’il gouverne avec tant de gloire et de modestie. Il venait encore de donner le matin dix millions pour empêcher plusieurs négociants de Berlin de faire banqueroute. En vérité, ce prince mérite bien qu’on le chérisse et qu’on l’admire, surtout quand on a autant de raisons que moi de lui être attaché. J’oublie de vous dire qu’après la conversation, je soupai avec le Roi et quelques personnes, que le souper fut assez triste et qu’en se levant de table, le Roi me témoigna encore en présence de ses généraux son estime et ses regrets ; que tous ses généraux en firent autant et m’embrassèrent plusieurs fois, me disant qu’ils n’avaient point vu de Français qui me ressemblât ; j’ai encore le cœur serré en vous écrivant, quelque plaisir que j’aie d’un autre côté à penser que je vais revoir mes amis et qu’ils partageront ma satisfaction de les revoir après un si heureux et si agréable voyage. »