Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/128

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moment. C’était la voix de Perpetua. Il n’y a pas de malades, que je sache. Serait-il arrivé quelque malheur ?

— C’est moi, répondit Tonio, avec mon frère. Nous avons à parler à M. le curé.

— Est-ce une heure de chrétien que celle-ci ? dit brusquement Perpetua. Quelle discrétion ! Revenez demain.

— Écoutez : je reviendrai ou ne reviendrai pas ; il m’est rentré je ne sais quel argent, et je venais pour acquitter cette petite dette que vous savez ; j’avais ici vingt-cinq belles berlinghe toutes neuves ; mais si cela ne se peut, patience ; je sais comment les dépenser, et je reviendrai quand j’en aurai ramassé d’autres.

— Attendez, attendez, je vais revenir. Mais pourquoi choisir une telle heure ?

— Je les ai moi-même reçues il y a peu de temps ; et j’ai pensé, comme je viens de vous le dire, que si je les mets dormir avec moi cette nuit, je ne sais trop de quel avis je pourrai être demain matin. Cependant, si l’heure ne vous plaît pas, je n’ai rien à dire ; pour moi, me voici ; et si vous ne me voulez pas, je m’en vais.

— Non, non, attendez un moment ; je vais revenir avec la réponse. »

En disant ces mots, elle referma la fenêtre. Dans ce moment Agnese se détacha d’auprès des fiancés, et après avoir dit tout bas à Lucia : « Courage ; c’est l’affaire d’un moment ; c’est comme une dent qu’on se fait arracher ; » elle vint joindre les deux frères devant la porte, et se mit à jaser avec Tonio, de manière que Perpetua, venant ouvrir, pût croire qu’elle était arrivée là par hasard, et que Tonio l’avait retenue un moment.