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cour pour y solliciter les charges et les honneurs ; Manzoni sut résister à cet entraînement, et refusa tout d’un pouvoir qu’il ne pouvait combattre, mais que son patriotisme répudiait.

C’est à cette époque que, cédant aux instances de ses amis, il se remaria. Il épousa Thérèse Borri, veuve du comte Stampa. Le jeune Stampa, son beau-fils, subissant l’ascendant qu’exerçait Manzoni sur tous ceux qui vivaient dans son intimité, conçut pour lui une affection vraiment filiale.

En 1841, quelque temps après avoir décliné l’honneur de faire partie de l’institut Lombard, Manzoni publiait l’Histoire de la Colonne Infâme. Ce livre fut une grande déception : on s’attendait à un roman tel que les Fiancés, et l’on ne trouva qu’une œuvre historique, digne, il est vrai, d’être appréciée par les lettrés et les gens de goût, mais aride et sans aucun attrait pour les lecteurs ordinaires.

Étant à sa villa de Lesa, il noua avec le philosophe Rosmini des relations amicales. Le grand poëte et le grand philosophe devaient se comprendre, et les lettres n’avaient qu’à gagner à la rencontre de ces hommes supérieurs par le cœur et par le génie.

De nouveaux malheurs allaient encore éprouver Manzoni. En 1846, il perdait sa dernière fille, la jeune Mathilde, qui succombait à une maladie de langueur ; en 1849, l’insuccès de la guerre de l’indépendance italienne le forçait de s’éloigner de Milan et de chercher un refuge sur les bords du lac Majeur : bientôt après il perdait sa seconde femme.

Cependant, si tant d’infortunes étaient venues fondre sur lui, une joie suprême lui était réservée. Il devait voir l’Autrichien chassé de l’Italie et cette unité italienne, rêve de son existence, se réaliser enfin. C’est alors qu’il crut devoir accepter sans honte les honneurs qui lui étaient offerts et qu’il se laissa nommer sénateur en 1861. Toutefois, il prit peu de part aux travaux parlementaires ; son grand âge, son amour pour la tranquillité, l’éloignaient du tumulte des affaires, et, satisfait d’avoir vu la délivrance de son pays, il attendait avec calme le jour de la mort. Le 22 mai 1873, cet homme qui sut acquérir l’estime même de ses ennemis politiques, termina sa longue carrière, consacrée entièrement aux lettres et à la défense des intérêts de sa patrie.

La nouvelle de la mort du poëte parcourut, comme un éclair, l’Italie entière. De toutes les villes, de tous les villages, arrivèrent des lettres de condoléance à sa famille affligée. Le 29 mai, jour anniversaire de la vic-