Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/163

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coupable. Mais, quand elle le vit paraître avec ce sourcil courroucé, avec ce papier à la main, elle aurait voulu être non pas dans un couvent, mais à cent pieds sous terre. Peu de mots furent dits, mais ils furent terribles. Le châtiment qui lui fut tout d’abord signifié ne fut que de rester renfermée dans la chambre où elle était, et sous la garde de cette femme qui avait fait la découverte. Mais ce n’était que pour commencer et comme une mesure du moment ; on promettait, on laissait entrevoir une autre punition qui, pour se montrer vague et sous un nuage, n’en était que plus effrayante.

Le page fut aussitôt mis à la porte, comme cela devait être, menacé lui aussi de quelque chose de terrible si jamais et dans aucune circonstance il osait laisser échapper un seul mot sur ce qui venait de se passer. En lui faisant cette intimation, le prince lui appliqua deux riches soufflets, pour associer à cette aventure un souvenir qui enlevât à ce garçon toute tentation de s’en vanter. Trouver un prétexte pour expliquer honnêtement le renvoi d’un page, n’était pas chose difficile ; quant à la jeune personne, on dit qu’elle était indisposée.

Elle resta donc avec son trouble, sa honte, ses remords, sa terreur sur l’avenir, et sans autre compagnie que celle de cette femme qu’elle haïssait comme le témoin de sa faute et la cause de son malheur. Celle-ci de son côté haïssait Gertrude, à cause de qui elle se voyait condamnée, sans savoir pour combien de temps, à la vie ennuyeuse de geôlière, et devenue pour toujours dépositaire d’un secret périlleux.

Le premier tumulte confus de ces sentiments qui venaient d’envahir l’âme de Gertrude s’apaisa peu à peu ; mais, y revenant ensuite l’un après l’autre, ils s’y