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PRÉFACE

d’une nouvelle édition de la traduction des Fiancés de Manzoni, par le marquis de Montgrand, ancien maire de Marseille.


Une figure noble et sympathique à la fois, c’est bien celle de M. le marquis de Montgrand, maire de Marseille pendant dix-huit ans, démissionnaire en 1830, consacrant aux lettres, au culte des plus intimes vertus chrétiennes, les loisirs que lui faisait, — non un Dieu, comme à Virgile, — mais une révolution. Marseille n’oubliera jamais sa longue magistrature, qui avait passé par quatre réélections successives ; souvenirs impérissables dont le peuple a gardé la mémoire, qui sont le guide le plus sûr dans la mission délicate et si difficile de servir ses concitoyens et de mériter leurs bénédictions.

Le marquis de Montgrand était issu d’une de nos plus anciennes familles : Guillaume, qualifié de damoiseau dans un titre de l’an 1275, était seigneur de la terre de son nom dans le Vivarais ; ses descendants donnèrent des officiers à nos armées, des chevaliers à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; Simon, dont la branche s’éteignit, et Dominique s’établirent en Provence ; treize de leurs enfants moururent sur les champs de bataille ou des suites de leurs blessures à Rocoux, au Col-de-l’Assiette, à Laufeldt. Celui dont nous parlons était fils de Jean-Baptiste de Montgrand, seigneur de la Napoule, chevalier de Saint-Louis, mestre de camp de dragons d’Aubigné, maréchal des camps et armées du Roi, et de Marie-Philippine le Coigneux de Bélabre, qui comptait parmi ses aïeux Jacques le Coigneux, grand président au Parlement de Louis XIII, qui joua un rôle dans la Fronde, que nomment souvent le cardinal de Retz et Mme  de Motteville. M. le comte Godefroy de Montgrand, Marseillais comme d’Hozier et, comme lui, profondément versé dans la science héraldique, a publié (1864) la Généalogie de la maison de Montgrand, depuis 1275 jusqu’à nos jours[1].

Le marquis de Montgrand (Jean-Baptiste-Jacques-Guy-Thérese), officier de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre royal de Constantin des Deux-Siciles, gentilhomme de la chambre de Charles X, naquit à Marseille le 9 septembre 1770. Il était orphelin déjà lorsque les personnes qui prenaient soin de son enfance le firent sortir de France, ce qui lui valut d’être, à treize ans, inscrit sur la liste des émigrés et dépouillé d’une partie de sa fortune. Il trouva, sur la terre d’exil, une puissante et douce consolation : il épousa (1790) la fille du comte Mosconi, de Vérone, pendant que les Français, chassés de la ville par les Autrichiens, les chassaient, à leur tour, dans la même journée. La vie était alors pleine de bruits et d’incertitudes ; on ne savait si le lendemain on trouverait une pierre pour reposer sa tête ; on marchait vers l’avenir, vers l’inconnu, le cœur agité, l’âme en proie à mille émotions toujours renaissantes.

  1. C’est à M. le comte Godefroy de Montgrand, neveu du traducteur, qu’est due l’initiative de cette édition des Fiancés. (Note des éditeurs)