Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

geait plus qu’à les abréger. Il pressa le pas, récita un verset d’une voix plus haute, composa sa physionomie pour lui donner autant de calme et d’hilarité qu’il lui fut possible, fit tous ses efforts pour préparer un sourire, et quand il se trouva face à face avec les deux honnêtes gens, il dit mentalement : « Nous y voilà, » et s’arrêta tout court.

« Monsieur le curé, dit l’un des deux, en le regardant fixement au visage.

— Que désire monsieur ? répondit aussitôt don Abbondio, levant les yeux de dessus son livre qui resta tout ouvert sur ses mains, comme sur un pupitre.

— Vous avez l’intention, poursuivit l’autre du ton menaçant et irrité d’un homme qui surprend son inférieur prêt à faire une mauvaise action, vous avez l’intention de marier demain Renzo Tramaglino et Lucia Mondella !

— C’est-à-dire, répondit d’une voix tremblotante don Abbondio, c’est-à-dire… ces messieurs sont gens du monde, et savent très-bien comment se passent ces sortes de choses. Le pauvre curé n’y entre pour rien : ils font leurs arrangements entre eux, et puis… et puis ils viennent à nous comme on irait à un comptoir recevoir son argent ; et nous nous sommes les serviteurs du public.

— Eh bien, lui dit le bravo à l’oreille, mais d’un ton solennel de commandement, ce mariage ne doit point se faire, ni demain ni jamais.

— Mais, messieurs, répliqua don Abbondio avec la voix douce et polie de celui qui veut persuader un impatient, mais, messieurs, daignez vous mettre à ma place. Si la chose dépendait de moi… vous voyez bien qu’il n’en entre rien dans ma poche…