donnance du 7 décembre, fixa le prix de cette qualité de riz à douze livres le muid, soumettant celui qui en demanderait un prix plus élevé, comme celui qui refuserait de vendre, à la perte de la denrée et à une amende de valeur égale, et plus forte peine pécuniaire et même corporelle, jusqu’à la galère, au jugement de Son Excellence, selon la nature des cas et la qualité des personnes.
Le riz mondé avait déjà été taxé avant l’émeute, comme il est probable que le tarif ou, pour employer une dénomination très-célèbre dans les temps modernes, le maximum du froment et des autres grains plus communs fut fixé par d’autres ordonnances que nous n’avons pas eu occasion de voir.
Le pain et la farine ayant été ainsi maintenus à bon marché à Milan, il s’ensuivit que de la campagne on y accourait en foule pour se pourvoir de l’un et de l’autre. Don Gonzalo, pour obvier à cet inconvénient, comme il l’appelle, défendit, par une autre ordonnance du 15 décembre, d’emporter du pain hors de la ville pour une valeur de plus de vingt sous, sous peine de la perte du pain ainsi emporté et de vingt-cinq écus, et en cas d’insolvabilité, de deux traits de corde donnés en public, et de plus forte punition encore, toujours au jugement de Son Excellence. Le 22 du même mois (et l’on ne voit pas pourquoi ce fut si tard), il publia un ordre semblable pour les farines et pour les grains.
La multitude avait voulu faire arriver l’abondance par le pillage et l’incendie, le gouvernement voulait la conserver par la galère et par la corde. Les moyens étaient assortis entre eux ; mais, quant à leur rapport avec le but, le lecteur en juge dès ce moment ; il verra bientôt quelle fut en effet leur puissance pour atteindre ce but. Une autre chose facile à voir et bonne peut-être à remarquer est la connexion qui existe nécessairement entre des mesures aussi étranges. Chacune ici était la conséquence inévitable de celle qui l’avait précédée, et toutes découlaient de la première, qui avait taxé le pain à un prix si éloigné de son prix réel, de celui qui serait naturellement résulté de la proportion entre les besoins et les moyens d’y satisfaire. Un tel expédient a toujours paru et dû paraître à la multitude aussi conforme à l’équité que simple dans ses combinaisons et facile à mettre en pratique, et il est dès lors tout naturel que, dans les soucis et les souffrances de la disette, elle désire l’emploi de ce procédé, qu’elle le demande et, si elle peut, qu’elle l’exige. Lorsque ensuite les conséquences viennent successivement se montrer, il faut que ceux à qui le soin en appartient tâchent de parer à chacune d’elles par une loi qui défende aux hommes de faire ce à quoi ils étaient portés par la loi antérieure. Qu’on nous permette de faire ici en passant un rapprochement remarquable. Dans un pays et à une époque peu éloignés de nous, à l’époque la plus saillante et la plus fameuse de l’histoire moderne, on recourut, en des circonstances semblables, à de semblables expédients (les mêmes, pourrait-on dire, quant au fond, ne différant que dans la proportion et se produisant à peu près dans le même ordre), et cela bien que les temps fussent si notablement changés, bien que le progrès des lumières eût été si marquant en Europe, et dans ce pays peut-être plus qu’ailleurs ; mais le fait vint principalement de ce que les masses populaires, au sein desquelles ces lumières n’avaient point pénétré, purent faire, pen-