Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/453

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

conversion du maître, mais qui n’était jamais assez assuré de certaines choses.

— La plupart ont été renvoyés, répondit le tailleur, et ceux qui sont restés ont changé de vie ; mais de quelle manière ! En un mot, le château est devenu comme une Thébaïde ; c’est une façon de parler que vous entendez, monsieur. »

Puis il amena le discours avec Agnese sur la visite du cardinal. « Quel homme ! disait-il, quel homme ! Il est fâcheux qu’il ait passé dans notre village si rapidement, car je n’ai pas même pu lui rendre quelques hommages. Que je serais heureux de pouvoir lui parler encore une fois, un peu plus à loisir ! »

Lorsque ensuite ils se furent levés de table, s’adressant encore à Agnese, il lui fit remarquer une estampe, représentant le cardinal, qu’il gardait suspendue contre le panneau d’une porte, en signe de vénération pour le personnage, comme aussi pour pouvoir dire à tous ceux qui venaient que ce portrait n’était pas ressemblant, ce dont, ajoutait-il, personne n’était mieux à même de juger que lui, puisqu’il avait pu observer le cardinal de près et tout à son aise dans cette chambre même.

« C’est lui qu’on a voulu faire là ? dit Agnese. Il lui ressemble pour l’habillement ; mais…

— N’est-ce pas qu’il n’est point ressemblant ? » dit le tailleur. « C’est ce que je dis toujours : nous ne sommes pas, vous et moi, de ceux qu’en ceci l’on attrape. Mais au moins son nom est dessous : c’est un souvenir. »

Don Abbondio se montrait pressé ; le tailleur se chargea de trouver une carriole pour les transporter au pied de la montée ; il alla aussitôt en chercher une, et revint peu après avec l’annonce qu’elle arrivait. Se tournant ensuite vers Don Abbondio, il lui dit :

« Monsieur le curé, si vous désiriez porter là-haut quelque livre, pour passer le temps, je puis avoir en cela quelques faibles moyens de vous être agréable, attendu que je m’amuse aussi un peu à lire. Je ne saurais vous offrir des ouvrages dignes de vous ; je n’ai que des livres en langue vulgaire ; mais cependant… »