longtemps avaient été regardés comme un objet de terreur, accueillit ces malheureux, non pas seulement avec bonté, mais avec reconnaissance. Il fit répondre que sa maison serait ouverte à quiconque voudrait s’y réfugier, et il songea aussitôt à la mettre, ainsi que la vallée tout entière, en état de défense, pour le cas où il prendrait envie aux lansquenets ou aux Cappelletti de s’essayer à venir y faire leurs prouesses. Il réunit les serviteurs qui lui étaient restés, peu nombreux, mais bons, comme les vers de Furti[1] ; il leur fit une allocution sur l’heureuse occasion que Dieu leur fournissait, à eux et à lui-même, de venir au secours de ce prochain qu’ils avaient tant opprimé, tant effrayé ; et de cet ancien ton de commandement qui exprimait la certitude de l’obéissance, il leur annonça d’une manière générale ce qu’il entendait qu’ils fissent, leur traçant surtout la conduite qu’ils avaient à tenir pour que les personnes qui viendraient chercher un asile en ce lieu ne vissent en eux que des amis et des défenseurs. Il fit ensuite descendre d’un galetas les armes de toutes sortes qui depuis longtemps y étaient entassées, et il les leur distribua ; il fit dire à ses paysans et ses fermiers de la vallée que tout homme de bonne volonté eût à venir au château avec des armes ; il en donna à ceux qui en manquaient ; il choisit les plus capables pour en faire comme des officiers ayant les autres sous leurs ordres ; il établit des postes aux entrées et sur d’autres points de la vallée, sur la montée, aux portes du château ; il régla les heures où ces postes seraient relevés et la manière dont cette opération devait se faire, comme dans un camp, ou comme cela s’était fait dans ce lieu même, au temps de sa méchante vie.
Dans un coin du galetas, se trouvaient, séparées du tas général, les armes que lui seul avait portées ; sa fameuse carabine, ses mousquets, ses épées, ses espadons, ses pistolets, ses couteaux, ses poignards, le tout à terre ou appuyé contre le mur. Aucun des domestiques n’y toucha ; mais ils crurent devoir demander à leur maître quelles étaient celles qu’il voulait se faire apporter.
« Aucune, » répondit-il ; et, soit par vœu, ou simplement parce qu’il l’avait ainsi résolu, il resta toujours désarmé à la tête de cette espèce de garnison.
En même temps il avait mis en mouvement d’autres hommes et des femmes de sa maison ou sous sa dépendance, pour préparer de quoi loger dans le château autant de monde que ce serait possible, pour dresser des lits, préparer des matelas et des paillasses dans toutes les chambres, dans toutes les salles, dont il faisait autant de dortoirs. Il avait donné l’ordre de faire venir des provisions abondantes pour nourrir à ses frais les hôtes que Dieu lui enverrait et qui, en effet, arrivaient de jour en jour en plus grand nombre. Pendant que tout cela s’exécutait, on ne le voyait lui-même jamais en repos. Tour à tour, au dedans et au dehors du château, tantôt en haut, tantôt en bas de la montée,
- ↑ Auteur vivant de quelques ouvrages en vers, de peu d’étendue, mais d’un véritable mérite. (N. du T.)