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Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/475

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naissance des premiers accidents de contagion, adressa une lettre pastorale aux curés, dans laquelle, entre autres choses, il leur prescrivait de faire sentir au peuple avec insistance combien il était important et d’étroite allégation pour chacun de révéler à l’autorité tout accident semblable ; ainsi que de séquestrer les effets infectés ou suspects[1] ; et c’est un acte de plus à mettre au nombre de ceux par lesquels ce prélat se distinguait louablement de son siècle.

Le tribunal de santé demandait, sollicitait la coopération de qui de droit dans les mesures à prendre, mais n’obtenait à peu près rien. Et, dans le tribunal même, l’empressement était bien loin d’égaler l’urgence : c’étaient, comme le dit plus d’une fois Taddino, et comme cela se voit encore mieux par l’ensemble de la narration, c’étaient les deux médecins qui, convaincus et pénétrés de la gravité et de l’imminence du danger, stimulaient le corps qui devait ensuite stimuler les autres.

Nous avons déjà vu quelle froideur, en recevant les premiers avis de la peste, il avait mise à agir et même à recueillir des renseignements : voici un autre fait où se montre une lenteur encore plus étonnante, si pourtant elle ne fut le résultat forcé d’obstacles provenant des magistrats supérieurs. Cette ordonnance pour les bullette, dont nous avons parlé tout à l’heure, décidée le 30 octobre, ne fut prête à paraître que le 23 du mois suivant, ne fut publiée que le 29. La peste était déjà entrée dans Milan.

Taddino et Ripamonti ont voulu nous conserver le nom de celui qui l’y apporta le premier, ainsi que d’autres détails sur sa personne et sur le fait même ; et, en effet, lorsqu’on observe les commencements d’un immense drame de mort, où les victimes, loin d’être désignées par leur nom, pourront à peine l’être approximativement par le nombre de milliers dont elles formeront l’effrayante masse, on éprouve je ne sais quelle curiosité de connaître ce petit nombre d’individus qui les premiers y figurèrent : cette espèce de distinction, le pas obtenu sur le chemin des funérailles, semblent faire trouver en eux et dans les circonstances, d’ailleurs les plus indifférentes, qui les concernent, quelque chose de fatal et de digne d’un long souvenir.

L’un et l’autre historien disent que ce fut un soldat italien au service d’Espagne ; ils ne sont pas bien d’accord sur les autres points, ici même sur le nom de cet homme. Il s’appelait, selon Taddino, Pietro-Antonio Lovato, et son corps était en garnison dans le territoire de Lecco : selon Ripamonti, au contraire, ce serait un nommé Pier-Paolo Locati, dont le corps tenait garnison à Chiavenna. Ils diffèrent aussi sur le jour de son entrée à Milan : le premier la place au 22 octobre, le second, au même quantième du mois suivant ; et l’on ne peut s’en tenir au dire ni de l’un ni de l’autre. Les deux époques sont en contradiction avec d’autres beaucoup mieux constatées. Et cependant Ripamonti, écrivant par ordre du conseil général des décurions, devait avoir à sa disposition bien des moyens de se procurer les renseignements nécessaires ; et Taddino, en raison de son emploi, pouvait mieux que personne être informé

  1. Vita di Federigo Borromeo, compilata da Francesco Rivola. Milano, 1660, p. 582.