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DONATELLO.

des instruments, ont une portée singulière dans l’œuvre de Donatello. C’est l’autre pôle du sombre talent qui fit surgir les écrasantes apparitions des prophètes. Ils font retentir l’air de leurs cris comme les prophètes ébranlent la terre sous leurs pas pesants. C’est la gaîté de Donatello qui se donne libre carrière. D’un citoyen de Florence fort laid, il a fait un terrible pleureur sur les fautes humaines ; de gamins des rues florentines, il fait le sourire de la nature qui s’insinue au milieu des plus graves préoccupations, comme les herbes folles et fleuries poussent entre les joints du granit. Ces gamins danseurs et chanteurs auraient pu continuer leur ronde pendant le prêche du plus sombre prédicateur. Peut-être le bruit figuré de leurs cris, de leurs sistres, de leurs buccins et de leurs tambourins se mêlait-il aux laves épandues, sur la foule terrifiée, par un Savonarole, et cela fit-il très bien. La joie de ces sublimes galopins se teinte d’ailleurs d’un peu d’âpreté. Nous avons déjà plus haut pris une comparaison avec les choses de la musique ; nous la reprenons ici, et elle y est particulièrement de mise. Nous l’empruntons au même maître, car si l’on cherche les équivalents humains de Donatello, on ne peut mettre à réquisition que les plus illustres exemples : les enfants que Donatello a pétris, soit dans le marbre de cette chaire de Prato, soit dans la tribune des orgues de la cathédrale de Florence et ceux qui jouant avec des guirlandes ornent la sacristie ; enfin, dans les bas-reliefs qui sont au musée national, et dans bien d’autres œuvres encore, sont les accès de gaîté