Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/159

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par terre. Il est resté tout un jour comme mort, et l’on ne sait s’il en reviendra.

Albert

Il n’a rien perdu, lui. Sa cotte de mailles de Venise est intacte. Quant à sa poitrine, elle ne lui coûte rien ; il n’est pas obligé de s’en acheter une autre. Pourquoi ne lui ai-je pas ôté son casque dans la lice ? Je l’aurais fait, si je n’avais eu honte devant les dames et le duc. Maudit comte ! il eût mieux fait de me percer la tête. J’ai aussi besoin d’habits. La dernière fois, tous les chevaliers assis à la table du duc étaient en soie et en velours ; moi seul j’étais en cuirasse. J’ai dit pour excuse que j’étais venu au tournoi par hasard. Que dirai-je maintenant ? O pauvreté, pauvreté ! comme elle nous abaisse le cœur ! Quand de Lorges perça mon casque de sa lourde lance, et me dépassa au galop ; quand, la tête nue, je donnai de l’éperon à mon Émyr, et, m’élançant comme la foudre, je jetai le comte à vingt pas, de même qu’un petit page ; quand toutes les dames se levèrent de leurs sièges, et que Clotilde elle-même, se cachant le visage, poussa