Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/23

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CHOUÏSKI.

J'avoue qu’il m’a troublé alors par son calme, par son assurance effrontée à laquelle je ne m’attendais pas. Il me regardait droit aux yeux, comme un homme innocent ; il m’interrogeait, il entrait dans des détails, et je répétais devant lui la fable qu’il m’avait soufflée lui-même.

VOROTINSKI.

C’est mal à toi, prince.

CHOUÏSKI.

Que devais-je faire ? Déclarer la vérité au tzar Féodor ? Mais il voyait tout par les yeux de Godounoff, entendait tout par les oreilles de Godounoff. Je l’aurais persuadé, que Boris l’eût dissuadé sur-le-champ. Et puis, l’on m’aurait envoyé en exil ; et, à l’heure favorable, on m’aurait étranglé sans bruit dans un muet cachot, comme on a fait à mon oncle. Sans me vanter, aucun supplice ne saurait me faire peur. Je ne suis pas lâche ; mais je ne suis pas bête non plus, et n’ai pas envie de fourrer ma tête dans le lacet pour rien de rien.