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Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/40

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vécu longtemps, et j'ai pratiqué la vie ; mais je n'ai connu le bonheur que depuis que le Seigneur a daigné m'amener dans ce couvent. Pense, mon fils, à nos grands tzars. Qui est audessus d'eux ? Dieu seul. Qui prévautcontreeux ? Personne. Ét pourtant leur couronne d'or leur devenait souvent lourde, et ils l'échangeaient contre un capuchon de moine. Le terrible tzar lui-même cherchait souvent le repos dans un semblant d'exercices pieux et d'austérité cloîtrée. Son palais, rempli d'orgueilleux favoris, prenait soudain l'apparence d'un monastère. Les sanglants ministres de ses volontés 1, se couvrant de haires et de cilices, apparaissaient comme de dociles cénobites, et le terrible tzar comme leur pieux supérieur. J'ai vécu ici, dans cette même cellule (elle était alors habitée par Cyrille, l'homme juste aux longues souffrances *), et dès lors Dieu m'avait fait la grâce


1. On les nommait opritckniks, mot a mot gens du service particulier. Les plus grands princes tenaient à honneur de servir parmi les opritchniks.

2. Cyrille, une des lumières de l'Église russe, fut mis à mort par Ivan le Terrible.