fend le boutouk qui emprisonne ses pieds, puis s’écrie en brandissant son arme :
— Holà hé ! brigands païens ! vous n’êtes bons qu’à jeter en proie aux chiens… Et il s’élance ; il massacre la potira qu’il rencontre sur son passage, et s’en va droit au palais du prince.
— Ouvre donc ta fenêtre, Altesse Princière, crie-t-il ; ouvre-la pour que nous puissions nous voir et nous ouïr face à face. Or, apprends ceci, qu’il est indigne d’un prince de faire mourir des braves tels que moi ! »
Le prince, saisi de terreur, court se cacher dans les caveaux du palais ; cependant les Arnautes qui composent sa garde arrivent en troupe et ferment les portes de la cour. À leur vue, Codréan aiguise son paloche et s’écrie à voix haute :
« Holà hé ! mon petit alezan, cher à Codréan, où es-tu, mon brave compagnon ? où es-tu pour sauver les jours de ton maître ? »
L’alezan entend cette voix et y répond par un hennissement ; soudain il brise les attaches qui le retiennent dans l’écurie et accourt vers son maître sans selle et sans bride ; joyeux et fier, il touche à peine le sol de ses pieds, il vole, la crinière et les naseaux au vent.
L’heureux Codréan caresse son cheval, saute dessus rapidement, se précipite à travers la troupe des Arnautes, franchit le mur de pierre et s’écrie en le franchissant :
« À toi le trône, prince ; à moi la liberté et la bravoure ! Adieu, tu n’es pas digne de Codréan. »