Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/126

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d’observer fidèlement le précepte de l’Église : « Tu aimeras ta femme et ne lui causeras point de chagrin, et tu vivras avec elle dans la paix du Seigneur. » Et toi, notre fille chérie, toi que nous avons élevée dans nos bras, que nous avons entourée de notre amour et de notre sollicitude paternelle, toi que nous avons nourrie du lait de notre tendresse et fortifiée de nos enseignements, voici l’heure de la séparation ; nous accomplissons aujourd’hui un devoir bien doux mais bien douloureux à la fois, en te laissant arracher de nos bras pour suivre celui que ton cœur a choisi. Vivez en paix ; quant à nous, nous ne cesserons de vous bénir et de prier le Seigneur qu’il vous accorde de longues et heureuses années, qu’il vous dirige dans sa sagesse et vous affermisse dans l’union et l’amour, afin que notre âme se réjouisse de votre bonheur, car vous êtes le seul soutien de notre faiblesse et la seule consolation des douleurs de notre vieillesse. Que le Seigneur Dieu daigne envoyer aussi ses bénédictions sur vos fils. »

La jeune fille se jette alors dans les bras tremblants de ses parents. Le marié se dispose enfin à emmener sa femme ; mais les frères de cette dernière se mettent en travers de la porte, la hache à la main — jadis c’était le sabre nu — et ne le laissent sortir que lorsqu’il a consenti à racheter son épouse par un don. Sa fiancée monte alors sur un chariot qui porte sa dot, ayant à ses côtés sa belle-sœur ou sa belle-mère. Le marié suit à cheval en compagnie des assistants, ses amis, qui, tout le long de la route, poussent des cris de joie et déchargent des pistolets.

Cependant le marié n’est pas encore au bout de ses tribulations. À peine est-on arrivé à la maison que les