Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/148

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qui envoya l’intendant des prisons s’informer de la cause du tumulte. L’intendant sortit.

« Eh ! vornic Motzok, demanda le prince, dis-moi, n’ai-je pas bien fait de me débarrasser de ces méchants, de purger le pays d’une telle lèpre ?

— Oui, sans doute ; Votre Altesse a agi avec une haute sagesse. Moi-même, depuis longtemps, je voulais lui donner le conseil que… mais sa prudence m’a prévenu. Certes vous avez eu raison de vous débarrasser de ces méchants, attendu que… Certainement… Enfin il est hors de doute…

— L’intendant tarde bien à revenir, interrompit Lapuchneano. Je suis presque tenté d’ordonner qu’on tire à coups de canons sur cette vile multitude. Qu’en penses-tu, Motzok ?

— Sans doute, Monseigneur ! Faites jouer la mitraille. Quel malheur, après tout, que quelques centaines de vilains meurent, lorsque tant de boyards ont péri ? Oui, qu’on les tue ; mais qu’on les tue là, tous sans miséricorde.

— J’étais sûr d’avance de ta réponse, reprit le prince avec une aigreur mal contenue. Voyons pourtant d’abord ce qu’ils veulent. »

Pendant ce temps l’intendant était monté sur la plateforme du palais, d’où faisant signe au peuple, il s’écria à haute voix : « Braves gens, Son Altesse le prince m’envoie pour m’informer de ce que vous voulez. Que lui demandez-vous ? Pourquoi venez-vous comme des séditieux ? »

À cette demande, la foule demeura interdite. Comme toujours, le rassemblement n’avait point eu d’objet ; le peuple s’était porté au palais sans savoir lui-même pourquoi il y était, ni ce qu’il voulait. Alors des