Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/20

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M. Miçkiewitz, dans un petit poëme intitulé la Willi, a reproduit presque littéralement les beautés de la ballade allemande ; la description surtout du bouillonnement du flot, agité par la chute du chasseur dans l’abîme du torrent, est exactement la même que dans Gœthe.

Voici de quelle manière s’est exprimé M. Alexandri dans sa vieille Kloantza :



« Sbucnind apa’ n nalte valurĭ
« Mult în urmă clocoti
« In marĭ cercurĭ se’ nvîrti
« Si de trestiĭ si de malurĭ
« Mult cu vuet se isbi.

« Pân’ ce’n urmă linistită
« Dulce unda’ şĭ alina
« Si în taĭnă legǎna
« Fatza luneĭ înǎlbitǎ
« Ce cu ḑioa se’ngâna. »


« L’eau, rebondissant en flots écumeux, bouillonne après la chute des corps ; puis tournoyant en larges cercles liquides, elle oscille avec un bruit sourd entre le rivage et les roseaux ;

« Puis elle se calme par degrés, se balance lentement, et reflète avec amour le disque pâli de la lune, dont la lumière argentée lutte avec les premiers rayons du jour… »


Certes, je suis loin de vouloir comparer M. Alexandri à Gœthe, ni à Miçkiewicz. Je n’ai voulu vous donner qu’un échantillon du genre et de la nature du riche talent de notre poëte national. Malheureusement, depuis un certain nombre d’années, la voix du chantre se tait. Sans pouvoir le prouver, j’oserai presque affirmer que cette voix mélodieuse n’est point éteinte, mais étouffée par une censure inintelligente et insensée. S’il en était autrement, M. Alexandri serait bien coupable d’oublier ce qu’un talent comme le sien doit à sa patrie. Il a, sans doute, rendu un bien grand service à la littérature na-