Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/76

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ombre à la terre, et vole à la surface de la plaine avec la vitesse du vol de la pensée ! »

Le coursier hennit et s’élança avec une telle rapidité que son ombre elle-même ne pouvait le suivre ; il traversa les vastes champs tout le long des Carpathes. Mais quand les montagnes la virent assise à côté d’un étranger, elles desséchèrent les feuilles de leurs forêts, elles troublèrent le cristal de leurs sources, elles étouffèrent la voix de leurs oiseaux.

Et lorsque les fleurs aperçurent leur jeune reine à côté de l’étranger, elles penchèrent tristement leurs fronts vers la terre, se couvrirent de larmes, tremblèrent sur leurs tiges comme à l’approche d’un orage et dépérirent toutes en un clin d’œil. Cependant Floriora ne regardait plus ni les montagnes ni les fleurs, car elle n’avait des yeux, elle n’avait du cœur que pour son amant.

Le coursier fuyant rapidement s’arrêta au bord d’un clair ruisseau, et Floriora, sautant légèrement de son char, se plongea dans les ondes ; la source limpide en frémit de joie et enveloppa le corps de la fée d’un voile transparent. Les flots murmuraient gaiement autour d’elle, glissaient sur ses épaules, la berçaient comme une fleur, et attachaient des guirlandes de diamants liquides à ses cheveux, des colliers de perles à sa gorge.

Enfin elle sortit radieuse du sein des flots et parut aux rayons du soleil dans toute sa divine beauté. L’astre du jour s’arrêta dans le ciel en la voyant, couronna son front d’une auréole de rayons dorés et ses lèvres ardentes absorbèrent les gouttes brillantes qui couvraient le corps de Floriora ; cette rosée parfumée monta en