Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/77

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léger nuage vers le ciel pendant que la voix du soleil descendait sur la terre pour dire à la fée :

« Oh ! chère Floriora, tu es bien belle, bien aimante, bien oublieuse du monde ; mais as-tu pensé jamais ou n’as-tu point pensé que le bonheur a un terme ici-bas et que les plus doux rêves finissent souvent amèrement ? Sais-tu, en outre, ma chère enfant, que les fleurs, tes sœurs chéries, ont dépéri dans les plaines et sur les montagnes, et qu’elles sont allées se plaindre au ciel de ton cruel abandon ? Eh bien, quoi qu’il arrive, que le Seigneur Dieu soit clément ou sévère pour toi, laisse-toi guider par la voix de ton cœur, car un seul instant d’amour dans la vie vaut une éternité de bonheur ! »


V


Quand la destinée le veut, il arrive plus d’événements en une heure que pendant des années entières.

Le troisième jour Floriora sentit son cœur se troubler et ses pensées devenir rêveuses, et ses yeux verser des larmes. Pourquoi pleurait-elle ainsi à côté de son amant ? Nul ne pourrait le dire ; elle pleurait sans raison aucune. Pourquoi les fleurs se couvrent-elles de larmes au matin ? l’aurore, pourquoi répand-elle une rosée de pleurs ?

La journée était calme ; le monde nageait dans la lumière et le silence ; les oiseaux se taisaient dans la fraîcheur des arbres ; l’ombre seule se mouvait à la surface de la terre en luttant contre les rayons du soleil et se retirait graduellement au sein des bois.

Floriora se sentait oppressée et agitée d’un pressentiment mystérieux : elle soupira tristement et dit à son