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XXIX

LE PÊCHEUR DU BOSPHORE


Si notre grand prophète, le puissant Mohamed, voulait que ce jour fût pour moi un jour de bonheur et que mon vœu s’accomplît ; si je prenais dans mes filets le roi des mers, celui qui porte au front une brillante étoile, un riche talisman ;

Moi qui suis un pauvre pêcheur ballotté par les flots ; moi qui dors la nuit, à Juskiudar, dans les herbes du rivage ; moi, Abdullah, le plus intrépide rameur du Bosphore, qui ne possède dans ce monde qu’un petit caïque et une âme dévorée de désirs ;

Allah ! alors tout ce que j’ai souhaité et tout ce que je pourrais encore souhaiter, de l’Orient à l’Occident, tout m’appartiendrait : caftans, châles de cachemire aux palmes larges et riches, coursiers de Missir, rapides et légers comme le vent ;

Et un long caïque en bois d’ébène incrusté d’or et de versets du Coran ; et trente rameurs Osmanlis qui voleraient sur la mer de Marmara plus rapidement que le vol des elkovans.