Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/93

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Biondinette, sais-tu, ma chère Vénitienne, que la Madonne t’a donné de petites mains de patricienne, et de grands yeux qui appellent les baisers ?

« Sais-tu encore, Cospetto ! qu’à mon avis, c’est grand dommage de te condamner à porter des seaux d’eau sur ton épaule délicate ? Viens avec moi, ma chère ; je veux t’habituer à vivre comme une reine dans des palais ornés de glaces. »

Un jour, auprès de la fontaine, le grand Titien me dit à voix basse : « Il n’est pas de main capable de faire ton portrait. Cependant, par le soleil radieux ! je jure de te rendre immortelle si tu veux t’arrêter un instant pour que je trace sur les dalles les contours de ton ombre. »

Ce matin, le nouveau doge m’aperçut à travers la brume, et descendit aussitôt de son palais sur la place Saint-Marc : « Jeune Biondinetta, me dit-il, demain je vais jeter cet anneau dans la mer Adriatique ;

« Demain, je vais être couronné et promené triomphalement sur le Bucentaure, à travers les canaux de Venise ; cependant, si tu voulais être mon épouse, je jure par saint Marc de déposer à tes pieds toute ma splendeur royale. »

Mais la sage Biondinetta continua rapidement son chemin, et répondit ainsi en riant, à tous les trois : « Il n’est pas de glace plus pure que l’eau de la fontaine ; il n’est pas de portrait plus angélique que celui qui m’apparaît à la surface de l’eau quand je regarde au fond de la source ;

« Il n’est pas d’insignes de grandeur, pas d’anneaux en rubis qui soient aussi brillants que les beaux yeux de mon Tonino ; il n’est pas de trône qui vaille sa