Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Et il ajouta qu’il se contenterait probablement de la simple vie d’une femme du peuple : ayant eu deux enfants d’un amant, se mariant plus tard avec un autre homme, gentille d’abord avec lui, courageuse au travail, arrivant même à s’établir blanchisseuse, puis, à la suite de son mari tombé dans le vin, roulant elle-même au désordre et à la misère. Mais le nœud lui manquait, et il ne poussa le fameux : Eureka ! que lorsqu’il eut l’idée de faire revenir Lantier dans le ménage. L’Assommoir était fait.

Telle fut la gestation de ce septième roman de la série, qui devait le dédommager de l’insuccès relatif des six précédents. L’écriture de l’Assommoir lui prit plus de temps que celle de ses autres œuvres. Ce ne fut qu’après les deux premiers chapitres que lui vint l’heureuse idée d’employer, dans le cours du récit, non pas, comme on le dit, l’argot spécial des voleurs et des filles, mais le langage populaire que tout le monde comprend. Il avait par conséquent dépouillé les dictionnaires d’argot, ne cherchant pas à s’y faire une langue de toutes pièces, voulant simplement s’y rafraîchir la mémoire, y choisir, de façon à n’en oublier aucun, les termes dont des ouvriers avaient fait le plus fréquemment usage devant lui. Où l’auteur prend la parole, il adopta hardiment lui-même cette langue des personnages du livre. Laisser-aller apparent de style, qui n’est qu’un raffinement d’exactitude ! Nouveau procédé du roman moderne, où l’écrivain