Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/14

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m’ont assuré ceux qui la connurent en ce temps-là, très jolie. Il la vit, s’en éprit tout de suite, oublia pour quelques semaines son idée fixe « le canal, » et fit la demande aux parents, sans se préoccuper de la dot. Il n’y en avait pas ! mais il n’en fut que plus heureux, et il se remit au travail avec un plus grand courage. Sa femme lui devait tout, elle lui rendit tout, en tendresse et en dévouement. Un an après, naissait un fils qui reçut le prénom d’Émile.

Ce fils avait donc dans les veines du sang de trois nations : deux grands parents maternels français, un grand’père paternel italien, une grand’mère paternelle grecque. En outre, s’il naquit à Paris, le 2 avril 1840, entre deux voyages de ses parents à Aix, le rapprochement des dates donnerait à croire qu’il a été conçu en Provence. Et c’est en Provence, cette sorte d’Italie de la France, que le jeune Émile passa la plus grande partie de son enfance et toute sa première jeunesse.

Hier, 2 avril 1881, je suis retourné voir cette rue Saint-Joseph. La nuit tombait. Le marché Saint-Joseph, à peu près désert, allait fermer. De l’éventaire de la fleuriste assise à la porte, j’ai d’abord jeté un coup d’œil dans l’intérieur. Les volailles plumées, les choux et les carottes, les tas de pommes de terre, dormaient déjà dans le gris du soir. Et, à la lueur d’un seul bec de gaz allumé, la charpente, aux vieilles poutres noires, semblait plus