Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/15

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haute et plus vaste. Ce marché existait tel quel, à l’époque où naquit celui qui devait écrire le Ventre de Paris. Laissant là le marché, tournant le dos au grouillement de la rue Montmartre, plus bruyant et plus hâtif aux approches de la nuit, je me suis enfoncé dans l’étroite rue en pente. Là, à cette heure, ni charrettes, ni fiacres ; de rares passants. En pleine fournaise parisienne, un peu du calme et de l’intimité tranquille d’une ruelle de province. À gauche, debout sur sa porte, une blanchisseuse, Gervaise peut-être, mais une Gervaise les bras croisés, sa journée bien remplie, me regardant passer presqu’avec surprise. À droite, des bouteilles contre une devanture : pas un assommoir, une bibine bonasse où des maçons limousins, déjà attablés, plantent leur cuiller dans des assiettes de soupe aux choux. Puis, un fabriquant de malles et sacs de voyage, en face d’un hangar plein de « voitures à bras, » pressées les unes contre les autres, oisives, attendant le 8, jour du petit terme, leurs brancards en l’air. Puis, une grande maison sans boutiques avec porte bourgeoise et table d’hôte au premier, maison en cul-de-sac dont le retrait forme avec la rue une petite place régulièrement carrée. Du seuil de la table d’hôte, je me suis retourné : j’avais devant moi le n° 10. Une autre grande maison, celle-là, la plus belle de la rue, reconstruite en 1839 : cinq fenêtres de façade, cinq étages. Au rez-de-chaussée, une large porte