Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

générale, comme la dernière guerre, n’était pas parvenu à le détacher. A Paris, au milieu des commencements précaires et troublés de la troisième République, parurent les premiers volumes de ces Rougon-Macquart dont j’ai raconté le début modeste, puis le succès tardif, mais colossal, éclatant un beau jour. Pendant la lente incubation de ce succès, l’existence du romancier, toujours pénible pécuniairement, s’améliorait pourtant de volume en volume. Il occupa trois ans encore son petit pavillon précédé d’un jardin, rue La Condamine. L’entrée n’était pas belle ; le pavillon, vu son exiguïté, était peu habitable ; mais le jardin, contenant un grand arbre et plusieurs petits, était consciencieusement bêché, semé, planté, arrosé par lui. Sortant moins encore qu’aujourd’hui, ayant moins de relations et surtout beaucoup moins d’argent pour aller dévaliser les marchands de bibelots, pas assez riche non plus pour quitter Paris l’été et s’offrir le luxe d’une villégiature, il trouvait une distraction hygiénique dans ce jardinet qui lui tenait lieu de café, de cercle, de maison de campagne, de chalet à Trouville. Je le revois, vêtu d’un tricot et d’un vieux pantalon couvert de terre, chaussé de gros souliers fourrés, tondant son gazon, sarclant ses fleurs, arrosant ses salades ; ou bien, armé d’un sécateur, émondant ses arbustes ; ou même, la scie et le rabot en main, construisant une niche pour son chien, une cabane pour ses lapins et pour ses poules. Quelquefois, par les