Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/25

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quand la famille quitta la maison de l’impasse Sylvacanne pour aller se loger au Pont-de-Beraud, hors de la ville, en pleine campagne, l’assiduité de l’externe du pensionnat Isoard devint tout à fait problématique. Au lieu d’un simple jardin, les champs entiers, les champs qui n’ont pas de clôture, lui furent ouverts. C’est là, le long de la Torse, petit ruisseau adorable, ainsi nommé à cause des capricieuses sinuosités de son cours, que le futur auteur des Contes à Ninon commence à s’éprendre de ce large amour de la campagne, qui, plus tard, sera à chaque instant la fantaisie et le côté poétique de son œuvre réaliste. La Torse, « torrent en décembre, ruisseau si discret aux beaux jours, » se trouve désignée dans l’invocation à l’amante idéale des seize ans, « à Ninon, » qui ouvre le premier volume du romancier.

Mais je ne voudrais pas que ces rapprochements littéraires, qui me sollicitent à chaque pas et auxquels j’ai peut-être tort de me laisser aller, donnassent une idée fausse et convenue de cette enfance. On sera un jour quelqu’un, mais on ne naît, pas avec une étoile au front. L’enfance d’un artiste et celle d’un homme d’affaires, d’un commerçant, d’un huissier, se ressemblent. Qui eût vu le jeune Émile à cet âge, n’eût reconnu en lui qu’un enfant bien doué, ouvert, habitué à suivre ses volontés, par suite franc et doux, plein d’initiative. De là, à présager un avenir il y a loin. Si, à huit ans, il aimait déjà