Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/287

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Qu’importe pour t’aimer une vaine parole,
Une étreinte, un regard ; laissons la vierge folle
Prostituer ses yeux, ses lèvres et sa main.

Je t’aime ainsi, cachant ma joie et ma souffrance ;
Je t’aime belle, chaste, ignorant mon amour ;
Je t’aime et t’aimerai, saintement, en silence,
Dès l’aurore rêvant jusqu’à la fin du jour.
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C’est maintenant, Don Juan, à toi que je m’adresse.
Ne fus-tu pas ce fou qui, du Nord au Midi,
Superbe et désolé, traîna derrière lui,
Comme un roi son manteau, sa fougueuse tendresse ?
De cette pourpre usée et tombant en haillons,
Qui jeta des lambeaux sur chaque épaule nue,
Drapa de son amour la première venue,
Prêtresse de l’orgie ou vierge aux cheveux blonds ?
Ne fus-tu pas ce fou qui, la gorge brûlante,
Au festin d’ici-bas vint un jour s’attabler,
Sur chaque verre d’or posant sa lèvre ardente,
Les boire tour à tour sans cesser de brûler ?
Son œil la caressait, lorsque, vermeille et pleine,
Scintillait près de lui la coupe du voisin.
Il la volait, après avoir vidé la sienne,
Avide, tarissait la liqueur d’une haleine,
Et vers d’autres bientôt il allongeait la main.