Hélas ! c’est qu’il cherchait un nectar que la terre
Ne peut comme le ciel verser à son enfant.
Au fond il découvrait toujours la lie amère
Et, brisant de dégoût le vase sur la pierre,
Il s’élançait encore, espérant et buvant.
Tant qu’il put avancer, il marcha dans la vie,
Étouffant chaque fleur sous le baiser d’un jour,
Laissant derrière lui l’herbe jaune et flétrie ;
Et sa gorge en mourant râla, dans l’agonie,
Dans un dernier blasphème un dernier cri d’amour !
Ah ! sublime rêveur, chercheur infatigable,
Qui, te heurtant toujours à la réalité,
Qui toujours bâtissant sur une mer de sable
Et voyant chaque soir l’édifice emporté,
Te remettais à l’œuvre et, de tes mains tremblantes,
Soutenais vainement les murailles croulantes !
Toi qu’une vision ne pouvait contenter,
Qui, sous des traits humains voulait aimer cet ange
Que, vague, te montrait ta rêverie étrange,
Et vivre dans les cieux avant que d’y monter !
Oh ! dis-moi, bien souvent, dans ta course insensée,
N’as-tu pas regretté la vierge aux pas tremblants,
Qui, le front sous les fleurs et la tête baissée,
Dans ton sentier de mousse un jour était passée,
Alors que dans tes yeux rayonnaient tes seize ans ?
N’as-tu pas regretté cette heure chaste et pure
Où ton premier amour, comme un encens divin,
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