Allez, allez, mes vers ! bons ou mauvais, qu’importe !
Si du monde idéal vous m’entr’ouvrez la porte,
Si vos grelots d’argent me rappellent parfois
Le bal mystérieux des sylphides des bois.
Allez et divaguez. Mes fleurettes mignonnes,
Je veux faire de vous de riantes couronnes,
Des bouquets parfumés, des guirlandes de fleurs.
Hélas ! ils n’iront point parer de tendres cœurs ;
Ils n’iront point, cachés sous la fine dentelle,
Effleurer le beau sein de quelque demoiselle,
Brûler sa blanche gorge et palpiter, pressés
Sous les bonds de son cœur, comme sous des baisers.
Je ne suis qu’un poète, et ma maîtresse blonde
Est fille de la flamme ou bien fille de l’onde.
Je ne la vois jamais que dans l’âtre brûlant,
Salamandre joyeuse au voile étincelant,
Ou dans l’eau du torrent qui tombe des collines,
Riante sur l’écume au milieu des ondines.
Mon pied n’a pas heurté des sophas de boudoir ;
Et, comme on passe auprès d’un mendiant, le soir,
Redoutant que la main qui demande, ne prenne,
Les femmes ont passé, s’enfuyant dans la plaine.
Calme et serein, voyant leurs yeux se détourner,
J’aime un bel idéal qui ne se peut faner.
Mais si mes faibles mains, ô couronne embaumée,
N’ont pas tressé vos fleurs pour une bien-aimée,
Si je n’ai pas mêlé mes vers capricieux
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