Ce qui te fit frémir soudain, et chanceler,
Et la baiser de loin du regard, sans parler ;
Tout en marchant, pour voir vaguement, à la lune,
Sur sa nuque d’enfant jouer la natte brune…
Mais, mon poète aimé, quel est donc le tourment
Qui pâlit de nouveau ton visage charmant ?
Des pleurs et des sanglots ! quelle blessure ancienne
S’est rouverte en ton cœur, au nom de Gratienne ?
Allons, ne pleure plus ; parlons de tes amis,
Parlons du seul espoir que le ciel t’ait permis,
Et toi qui ne crois plus qu’en cette amitié sainte,
Toi que l’amour brisa dans une seule étreinte,
Et que n’éveille plus le grand mot d’avenir,
Ô mon poète, écoute et tes pleurs vont tarir !
Ah ! tu souris déjà. Sous le ciel de Provence,
Te souviens-tu, dis-moi, des jours de ton enfance.
Vous étiez trois enfants vous tenant par les mains,
Vivant au grand soleil et battant les chemins.
Les marmots ont grandi ; leurs frêles mains serrées
Jamais un seul instant ne se sont séparées.
Te souviens-tu ? Le soir, près du clos des Chartreux,
Lorsque vous promeniez vos rêves d’amoureux,
Vous croyez voir soudain se glisser à la lune,
Allant au rendez-vous quelque marquise brune ;
Et vous couriez, et l’ombre, en s’évanouissant,
N’était plus qu’un rameau dans la nuit blanchissant… »
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