Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/35

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de jeunes filles en blanc, chantant des cantiques, portant des bannières ; les corbeilles de roses effeuillées et de genets d’or, répandues à pleines mains ; et, avec ces bonnes odeurs fraîches, l’encens, les coups de clochette au passage des dais, la musique militaire et la musique de ville ; enfin à la nuit tombante, le long retour de la procession, les cierges déjà allumés, la bénédiction donnée du haut du grand reposoir, moment solennel où les belles filles cessent de rire et de montrer leurs jolies dents pour se cacher le front dans les mains ; tandis que les deux petits canons pour rire, donnés par Louis XIV à la ville, font la grosse voix.

Cependant, les années s’écoulèrent, les trois inséparables ne furent plus des bambins ne songeant qu’à courir les rues. On était, en 1855, et Émile Zola, lui, venait d’avoir quinze ans. Les ressources pécuniaires de la famille avaient encore diminué. De la petite maison de la rue Roux-Alphéran, ou l’on s’était installé en quittant la rue Bellegarde, il avait fallu, le loyer devenant trop lourd, aller se loger plus économiquement, cours des Minimes. Mais, à quinze ans, on a bien autre chose que l’argent en tête ! La puberté s’éveillait. Nos amis se sentaient l’âme neuve, ils étaient devenus riches tout à coup de désirs tumultueux. Et le cœur, les sens, l’imagination sonnaient des fanfares éclatantes ! Alors, ils se mirent à lire, à lire passionnément, chacun de son côté. Ils se prêtaient les volumes, puis, comparaient leurs