Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/36

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impressions, discutaient. Que lisaient-ils ? De tout, certes, avec la belle voracité intellectuelle de l’âge où le corps et l’esprit n’ont pas encore achevé leur croissance. Surtout des poètes ; peu de romans ; de Balzac, rien encore. Alors, qu’arriva-t-il ? Tous les trois firent des vers : Zola naturellement, et Cézanne devenu le peintre impressionniste que l’on sait, et Baille, aujourd’hui professeur à l’École polytechnique et adjoint au maire du XIe arrondissement.

On peut dès lors reconstruire ce que fut cette adolescence à trois. D’abord, pas de femme ! De grands désirs sans doute. Mais l’excès même de ces désirs aboutissant, vis-à-vis de la femme, à une grande timidité. Tout au plus quelques amourettes avortées. Pas de vie de café non plus ! On entrait dans un café, de loin en loin, pour se rafraîchir ; celui des trois qui avait de l’argent payait ; et l’on s’en allait, échappant ainsi à l’abrutissement du jeu, si fréquent dans la vie plate de la province. La ville ? Eh ! on la jugeait de haut, on la méprisait un peu, on y vivait à part, le moins possible, n’y fréquentant pas d’autres jeunes gens, sauf Marguery, un condisciple. Un charmant garçon celui-là, qui avait succédé comme avoué à son père et qui est mort tragiquement, dans une crise de folie, en se tirant un coup de carabine : fin terrible que ne faisait pas prévoir son caractère insouciant, ni sa bruyante gaieté. Une même passion d’enfant pour la musique avait lié Zola et Marguery. Le principal du collège