Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/52

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Manger, et payer le terme, et se vêtir ! Si encore il avait eu un métier manuel dans les doigts ! Son embarras et son découragement furent tels, qu’il se demanda, un instant, s’il ne devait pas entrer dans une imprimerie, pour apprendre le métier de typographe.

Quelques semaines après, au commencement de 1860, le même M. Labot, qui lui avait fait obtenir une bourse au lycée, lui procura bien une place. Mais quelle place ! Soixante francs par mois, dans un emploi infime, aux Doks, rue de la Douane. Pas même de quoi vivre, et aucun espoir d’augmentation. Zola, découragé, quitta les Doks au bout de deux mois.

Et, alors, tout le reste de cette année 1860, toute l’année 1861, et pendant les trois premiers mois de l’année 1862, le voilà lâché sur le pavé de Paris, sans position, sans ressources, ne faisant rien, n’ayant devant lui aucun avenir. Deux années entières de bohème. Une vie de misère, d’emprunts sollicités la rougeur au front, de dettes contractées sous la griffe du besoin. Une vie de hasards, d’engagements au mont-de-piété, de meubles abandonnés en payement. Enfin, une de ces périodes sommaires, que ceux qui les ont traversées, ne se rappellent jamais sans un frisson.

Cependant, il ne faudrait pas pousser au noir. La jeunesse, la vie libre, l’ambition littéraire, entraînent avec elles tout un monde d’illusions, d’insouciance,