Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/57

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vitres. Un jeune homme grelottant dans son lit, tout ce qu’il possède d’habits entassé sur les jambes, le nez et les doigts rougis, écrit quelque chose au crayon. Que peut-il bien écrire ? Des lignes qui ne vont pas jusqu’au bout ! des vers ! Et ce jeune homme est aujourd’hui l’auteur de l’Assommoir ! L’hiver passa. Aux premiers beaux jours, des promenades au soleil dans le Jardin des Plantes, qui était à deux pas, lui causèrent des sensations délicieuses.

Le soleil, malheureusement, ne met pas de l’argent dans le vieux porte-monnaie défraîchi. Ici, la misère redouble. De son aérien et poétique belvédère, je dis poétique pour faire plaisir à l’ombre de l’auteur de Paul et Virginie, Zola échoue, 11, rue Soufflot, dans une maison aujourd’hui démolie, dans un hôtel garni, misérable et louche. Pour locataires, des étudiants et des filles. Les chambres n’étaient séparées que par des cloisons minces. On se doute de ce que notre jeune poète entendait au travers : bouteilles débouchées, rixes, baisers, soupirs, et le reste ! Tout à coup, au milieu de la nuit, des cris déchirants de femmes le réveillaient en sursaut. On eut dit le vacarme de cinq ou six assassinats commis en même temps. Ce n’était qu’ « une descente : » les agents des mœurs faisaient une rafle. Là, au milieu de cette atmosphère de désordre et de vice, pendant un an, d’avril 1861 à avril 1862, pendant les huit premiers mois surtout, Émile Zola vécut d’une vie affreuse. Il y connut toutes les privations.