Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

acteurs s’habillaient chez l’abbé, dont le logement, en communication avec la scène, servait de coulisses.

Enfin, trois coups. Le rideau s’écarta. Deux élèves, en peplum et en cothurne, déclamaient des vers sur la scène. Il en entrait et sortait d’autres, et, des gardes affublés de glaives en bois, de cuirasses en papier, se tenaient raides, impassibles. Derrière le vitrage du corridor, de là où elle était comme dans une loge grillée, madame Fraque ne suivait pas la tragédie.

— Que fait-il maintenant dans sa chambre ?

Sa chambre ! Il n’avait jamais voulu la lui laisser voir, depuis que les maçons et les peintres n’y travaillaient plus. On y entrait par cette porte peinte en blanc au fond du corridor. Elle se l’imaginait pleine de jour et de gaieté, avec le papier clair à bouquets d’un bleu tendre choisi par elle, et les deux larges fenêtres s’ouvrant sur le jet d’eau, sur les corbeilles de fleurs du petit jardin particulier. Mais elle aurait voulu en connaître l’emménagement, savoir où était l’armoire à glace, la bibliothèque et le lit, le lit surtout qu’elle avait voulu de palissandre, haut, volumineux, encombrant, mais confortable et large comme un lit de jeune mariée. Tout à coup, au milieu de sa rêverie, elle tressaillit : une porte au fond du corridor ouverte et refermée, un bruit de pas, quelqu’un derrière elle… Elle s’était retournée ; déjà ses deux petites mains, pâles mais flétries, pressaient une main tiède qui ne se retira pas tout de suite.