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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

Comme s’il eût été convoqué, lui aussi, mais par une lettre de faire part qui n’était pas de la rédaction de M. Menu, et dont Eudoxe n’avait pas écrit l’adresse, M. Fraque arrivait à temps. Tout Noirfond était là devant lui, noblesse, bourgeoisie et peuple, s’écrasant à la porte du cimetière à la suite d’un corbillard, aussi âprement curieux que le tout Noirfond qui, un soir, vers minuit, un demi-siècle auparavant, s’était étouffé à la mairie et à l’église pour voir Zoé en toilette blanche de mariée. Les autorités tenaient sans doute les cordons du poële. Isnard ne devait pas marcher loin du cercueil. Le docteur Boisvert, lui, n’était pas homme à manquer pareil spectacle, pas plus que les bonnes langues du Cercle, les oisifs des cafés et les abonnés du cabinet de lecture. Eudoxe, entouré de rhétoriciens et de philosophes, faisait probablement des effets de monocle. Peut-être que, rapprochés par un hasard de cohue, séparés par une simple grille de tombe, l’abbé de la Mole et le pasteur protestant se regardaient, comme deux dogues accrochés au même os.

Il arrivait toujours comme un fourmillement, et pourtant le cimetière, maintenant noir de monde, semblait comble, sauf à un endroit où se trouvait arrêté le corbillard, près d’un petit tas de terre fraîchement remuée. Malgré ses yeux perçants de presbyte, pendant quelques minutes, M. Fraque ne distingua rien de plus. Debout au haut de la colline des Pauvres, appuyé d’une main sur sa canne, de