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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

— Es-tu seul, jeune et beau M. Lefèvre ?

Ah ! bien, oui !… Et cette grappe de têtes ébouriffées qui déjà se pressaient curieusement aux fenêtres du wagon… Aussi quelle bousculade parmi la foule, dans la cour de la gare. C’étaient les Coqs, impatients et enthousiastes, cognant, poussant, renversant tout ce qui se trouvait devant eux, pour se frayer un passage jusqu’à M. Lefèvre. Il y eut là une courte bataille : membres froissés, chapeaux défoncés, gifles échangées. La balustrade en bois protégeant la voie, céda elle-même, s’inclina pour laisser passer cette trombe. Et ils se trouvaient au bord du train, tous, Courcier et Jéror sortis on ne sait d’où, en tête, et « l’état-major » entier, et les autres, tous massés autour de M. Lefèvre ; tandis que celui-ci, tenant la portière ouverte, offrait galamment la main à ces dames qui descendaient de wagon.

Certaines s’y cramponnaient fortement à cette main de M. Lefèvre, énormes qu’elles étaient, rondes comme des tours, ne pouvant parvenir à dégager leur derrière de la portière. D’autres, pas gênées du tout par la graisse, dédaignaient la main et sautaient par dessus le marchepied, celles-là avec une légèreté de chèvre, celles-ci avec une raideur d’échalas. Dans sa sollicitude, le père Lefèvre leur soutenait tout de même la taille jusque sur l’asphalte du quai. Et, à mesure, sans se tromper, sans hésiter, il prononçait très-haut le prénom de chacune :

— Thérèse… — Augustine… — Louise… — Ca-