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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

d’autres tentures ; et, de marche en marche, une double haie de plantes rares, de fleurs naturelles. Sous la chaleur douce sortant des bouches du calorifère, ces fleurs embaumaient. Il vous montait à la tête comme une griserie. Et, malgré soi, l’on pensait d’avance aux petits pieds en bottines de satin qui allaient gravir ces marches, légers et nerveux, frémissants de curiosité, d’envie, de malice.

Mais une volonté calme, prévoyante, courageuse, semblait avoir veillé aux préparatifs. Avant de demander personne, je voulus jeter partout mon coup d’œil. Sans quitter encore le rez-de-chaussée, entrouvrant la porte de droite, je regardai la salle à manger. Là, un domestique allumait déjà les innombrables bougies des candélabres. Et la table, avec ses dix-huit couverts était prête. Autour de la mousse et des fleurs jonchant le milieu de la nappe, les dix-huit serviettes damassées, éblouissantes de blancheur semblaient autant de tabernacles attendant chacun le dévot sacrificateur. Et les verres, grands et petits, par rang de taille, étaient symétriquement placés, le menu avec un nom de convive sur chaque coupe à champagne. Et la transparence des cristaux étincelait, les ruissellements lumineux de la vaisselle plate vous troublaient comme des regards, les fleurs éclataient en sonorités de coloration extraordinaires. Maintenant que les longues bougies des candélabres étaient toutes allumées, la table entière, changée en chapelle ardente, semblait déjà brûler pour quelque