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LE COLLAGE

vingt-cinq francs par tête. La chair une fois satisfaite, je me sens beaucoup plus seul en sa compagnie, que lorsque je me trouve uniquement en face de moi-même.

C’est « une rouge ». Elle a le tort grave d’avoir les cheveux couleur acajou, tandis que moi je n’aime que les brunes. Je tolère à peine la blonde aux yeux bleus, à la chevelure dorée, ou cendrée, ou nuance beurre fin. Elle n’est pas belle, de profil surtout, avec son nez court aux narines échancrées. Encore si c’était une de ces laideurs originales, piquantes, auxquelles l’on s’habitue parce qu’elles ont du caractère ? Hélas ! non. Célina est laide avec banalité. Les yeux n’ont aucune expression. Son front, étroit, irrégulièrement bombé, révèle l’entêtement borné. D’ailleurs, c’est une paysanne lorraine, née dans un triste hameau, aux environs de Nancy. Venue à Paris vers l’âge de dix-huit ans, elle en aurait aujourd’hui vingt-trois. Et, pendant ces cinq ans de vie parisienne, non seulement l’influence de la grande ville a été nulle sur elle, mais la malheureuse a toujours végété dans un rayon de cent mètres, autour de cette gare de l’Est par où elle était débarquée.

Par exemple, ce qu’elle raconte avec complaisance, c’est la façon dont, partie vierge de chez ses parents, absolument vierge, et ayant pris d’abord le compartiment des « dames seules », elle