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JOURNAL DE MONSIEUR MURE

criai-je. Viens donc, nous allons être de grands amis… » Et je l’attirai avec précaution des bras d’Hélène qui n’osa pas me la refuser. Maintenant à deux genoux sur le tapis, je faisais rire la petite aux éclats, feignant de l’envoyer en l’air plus haut que ma tête, puis, tout à coup, la laissant retomber ; et, chaque fois, je profitais de sa joie pour l’embrasser furtivement sur le front, sur le cou, sur ses fins cheveux naissants. Ah ! si quelqu’un de mes collègues graves de la cour d’appel de X… avait pu me voir ainsi ! M. de Vandeuilles seulement serait entré tout à coup !… Une peur d’être ridicule me fit brusquement regarder Hélène.

— C’est que je vous ai aussi fait sauter comme ça, vous, autrefois !

— Oui, je sais, vous êtes un bon et fidèle ami… Et, depuis cinq ans, que de choses vous devez avoir à me dire !…

Sa main me désignait un siège à côté d’elle. Et, quand je fus assis :

— Voyons ! d’abord, mon père ? dit-elle avec émotion.

Mais Lucienne, voyant que je ne m’occupais plus d’elle, se mit à pleurer.

— Attendez ! fit Hélène.

Elle me la reprit, la consola, l’embrassa, puis sonna la bonne et la fit emporter.

— Eh bien, mon pauvre père !…

Nous parlâmes longtemps du mort. Elle savait