Page:Alexis - Le Collage.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
LE COLLAGE

allumait déjà les innombrables bougies des candélabres. Et la table, avec ses dix-huit couverts était prête. Autour de la mousse et des fleurs jonchant le milieu de la nappe, les dix-huit serviettes damassées, éblouissantes de blancheur semblaient autant de tabernacles attendant chacun le dévot sacrificateur. Et les verres, grands et petits, par rang de taille, étaient symétriquement placés, le menu avec un nom de convive sur chaque coupe à champagne. Et la transparence des cristaux étincelait, les ruissellements lumineux de la vaisselle plate vous troublaient comme des regards, les fleurs éclataient en sonorités de coloration extraordinaires. Maintenant que les longues bougies des candélabres étaient toutes allumées, la table entière, changée en chapelle ardente, semblait déjà brûler pour quelque perpétuelle adoration. Ébloui, détournant les yeux, je refermai.

Un coup d’œil au jardin par la porte vitrée du vestibule… Depuis le soir d’été où Moreau, sur la terrasse, s’endormit dans son fauteuil, le journal glissé à ses pieds, je n’avais plus marché dans ces allées. Presque rien de changé ! Pas de traces de la possession des Jauffret, heureusement ! Je reconnaissais la forme des massifs à feuillage persistant du bosquet. Seuls, les quatre jeunes platanes de la terrasse, méconnaissables en douze ans, devenus de grands arbres au tronc énormes et aux longues branches n’en finissant plus, tou-