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LE COLLAGE

Sa femme, une vaillante travailleuse, Adèle Clément, maladive et maigre, possédait une volonté de fer. Pas belle avec cela ; un long nez dans une figure osseuse, jaune comme un coing. Mais ce n’est pas la beauté qui met du bœuf dans la marmite !

Le pot-au-feu ! De la marmaille : une fille d’abord, puis trois autres qui n’avaient pas vécu, enfin un garçon, survenu tard, après onze ans de mariage ! des hauts et des bas ; des chômages, des maladies, des danses devant le buffet vide, des nippes portées au Clou, le coup dur du terme chaque trimestre, telle avait été sa vie pendant douze ou treize ans : quelque chose de pas drôle ! Un lourd fardeau, qu’il n’eût jamais supporté tout seul, sans l’aide de son énergique Adèle.

Toujours trimer, du Jour de l’An à la Saint-Sylvestre ; ne jamais être plus riche ; s’user à petit feu, et se sentir vieillir dans cette bataille quotidienne du pain à gagner : voilà ! Ce n’est pas la peine qu’on se donne qui coûte, mais « ne pas avoir d’espoir » ! Être certain que l’on ne sera jamais plus avancé, jusqu’au jour où l’on sera couché dans la fosse commune, au Père-Lachaise. Aussi, nom de Dieu ! sa journée achevée, quand il était resté des heures et des heures à tirer l’alène, immobile sur sa chaise, il en avait jusque-là ! Un besoin de mouvement et d’agita-