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MADAME MEURIOT

deaux. » Tout cela dit sur un ton de componction tempéré par sa grande douceur, pourtant avec un esprit méticuleux qui attachait de l’importance aux plus minces détails. D’ailleurs, cette Rosalie, ne l’avait-elle pas formée elle-même ? C’était son œuvre que cette fille de son pays, cette Bretonne venue à Paris depuis dix-huit mois et depuis dix-huit mois dans la maison, pas laide avec cela, très sage, qui ne sortait jamais et la soignait avec un réel dévouement.

— Ma fille, avez-vous préparé sur le lit de M. Gustave, une chemise, un faux-col, des chaussettes ?… Vous savez qu’il change de linge en rentrant, le samedi.

La calotte de velours de M. Honorat avait besoin d’un point son flot ne tenait plus que par un fil. C’était grand’pitié qu’elle-même, avec ses pauvres mains, ne pût plus toucher à une aiguille.

— Ma bonne Rosalie, ne plus être jeune et avoir perdu l’usage de ses doigts ! Quel malheur ! soupira-t-elle.

Elle s’attristait de nouveau. Une importante opération intellectuelle vint heureusement la distraire. Rosalie, qui continuait a mettre la table, demanda combien il fallait de couverts.

— Attendez, ma fille !

Et, tendant toutes ses facultés, réfléchissant à haute voix, madame Honorat combina l’arrangement suivant. Elle, à sa place accoutumée, le dos tourné au poêle ; en face, devant le buffet, son mari ; Gustave, son fils, à sa gauche, du côté de la fenêtre ; entre le fils et le père, Mme Camoin. Maintenant, voyons ! qui devait-on avoir, aujourd’hui ? M. Murard ? ce n’était pas son samedi ; les Blacé ?