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MADAME MEURIOT

non plus, ils faisaient leur inventaire ; mais on les verrait peut-être dans la soirée. Restait le docteur Silvy : mais on ne pouvait jamais compter sur sa présence, il était si occupé.

— Enfin, Rosalie, placez-le toujours à ma droite… Puis, entre le docteur et M. Honorat, l’oncle Camoin.

En tout, six couverts. Si le docteur ne venait pas, eh bien ! l’oncle Camoin, qui aimait ses aises, profiterait de toute la place.

Rosalie était retournée à la cuisine. La table, maintenant, avec la blancheur du linge, le luisant des assiettes et de l’argenterie, la transparence des verres, était appétissante à voir. Le timbre de l’appartement retentit. Ce n’était que le boulanger. A peine celui-ci eut-il refermé, un nouveau tintement.

— Enfin, c’est toi cria madame Honorat de son fauteuil, tandis que, dans l’antichambre, Rosalie aidait madame Camoin à se débarrasser.

Les deux sœurs s’embrassèrent. Madame Camoin approcha une chaise et s’assit en face de madame Honorat, lourdement. Elle arrivait tard. Le temps étant magnifique pour la saison, elle n’avait pas voulu prendre l’omnibus, mais son entorse du mois dernier s’était remise à lui faire mal.

— Toi, comment vas-tu ?

Et, raide sur sa chaise, madame Camoin n’ouvrit plus la bouche. De deux ans moins âgée que sa sœur, plus grande, elle n’avait pas dû être laide. A travers l’empâtement d’aujourd’hui, subsistait une régularité de traits, que n’animait pas le regard mort de ses gros yeux aux paupières lourdes.

Vivante, expansive, même cancanière, madame